Arts & Culture

Patrimoine & Histoire

Partager

L’histoire fascinante de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole

En vous promenant dans le village de Saint-Alban-sur-Limagnole vous serez sans doute interpellé par le grand hôpital qui domine les collines environnantes depuis les hauteurs du village. L’hôpital psychiatrique de Saint-Alban tient une place à part et étonnante dans l’histoire locale… Remontons donc ensemble dans le temps !

Les débuts de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban…

En 1821, le frère Hilarion Tissot rachète pour une bouchée de pain le château de Saint-Alban au dernier des Morangiès. (Un siècle plus tôt, cette même famille Morangiès prenait part à la quête de la Bête du Gévaudan… Découvrez l’histoire ici.) Tissot a pour idée d’y installer les femmes hystériques internées dans des conditions pitoyables dans la Tour d’Aygues-Passe à Mende. Avec l’aide de religieuses de Marseille, le projet voit le jour. Mais humaniste plus que gestionnaire, Hilarion Tissot est vite ruiné… Ainsi, c’est le préfet de la Lozère qui rachète le bâtiment pour y implanter l’asile départemental.

Tosquelles et la psychothérapie institutionnelle

Jusque dans les années 30, l’asile est vétuste. En effet, les patients et le personnel évoluent dans des conditions rudimentaires, sans eau ni électricité. Ce n’est qu’en 1933, avec l’arrivée à la direction du docteur Agnès Masson que des travaux sont entrepris avec toujours le même objectif : améliorer les conditions de vie des patients.

En 1940, fuyant le régime de Franco, François Tosquelles, psychiatre espagnol arrive à Saint-Alban-sur-Limagnole. C’est le Docteur Paul Balvet qui l’y accueille. Alors redevenu simple infirmier, il devra repasser tous ses examens de médecine. Mais durant tout ce temps, il s’évertuera à transformer l’hôpital (on abandonne le terme asile“) en un lieu ouvert, tant au niveau des patients que des idées. En cette époque troublée, les conditions de vie sont rudes, et il enverra les patients travailler aux champs des agriculteurs, qui les rémunèrent alors en denrées et provisions. L’hôpital deviendra un lieu d’appui pour les opérations de la Résistance locale et de refuges pour les intellectuels fuyant l’oppression. Ainsi Paul Eluard séjournera quelques temps au sein même de l’hôpital. Il écrira, suite à cette expérience un recueil de poèmes : « Souvenirs de la Maison des Fous »

François Tosquelles marquera profondément l’histoire de l’hôpital en posant les bases de la psychiatrie moderne à travers la « psychothérapie institutionnelle ». Soigner par le lieu.

On ouvre la structure on tombe les murs, et les patients se mêlent aux habitants du village qui apprennent à vivre avec eux.

Ces concepts novateurs seront repris dans la grande majorité des établissements de santé mentale. Le travail de Tosquelles, qui quittera les lieux en 1962, sera poursuivi par ses successeurs.

La place à part de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban dans la vie locale

Le lien entre le village et l’hôpital est fort et important dans l’histoire de Saint-Alban. Avec son développement et la venue de personnalités intellectuelles fortes, l’hôpital a révolutionné la vie des habitants. Pourvoyeur d’une économie locale importante, rares sont les foyers où un membre au moins ne travaille pas pour l’établissement. Avec l’avènement de la psychothérapie institutionnelle, des techniques de soin inédites voient le jour : un cinéma, une imprimerie, des cours de langue et de musique et même une ferme pédagogique… Tous les corps de métiers se croisent dans l’enceinte de l’hôpital. Là des infirmiers, ici des éducateurs, des blanchisseurs, des électriciens ou encore des maçons ! Et puis il y a les fêtes, le carnaval et les manifestations sportives… Autant d’événements auxquels se mêlent patients et habitants pour le plus grand bonheur de tous.

Ce sont cet esprit d’ouverture, cette tolérance et cette envie de partage qui représentent le mieux l’héritage laissé par François Tosquelles.

Aujourd’hui l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban est toujours en activité. Mais avec les nombreuses réformes et la normalisation des établissements, il n’a plus tout à fait la même aura. Les services sont dispersés sur tout le territoire, et les techniques de soin un petit peu moins libres et ouvertes… Heureusement, des associations, avec en leur sein des personnes passionnées et passionnantes, continuent d’œuvrer pour faire vivre l’esprit de cet étonnant hôpital.

Quelques idées de lecture pour aller plus loin :

Explorez Saint-Alban & ses environs